Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques
Mémoire Master 1 CEI / juin 2009
Diplôme national de master
Domaine – sciences humaines et sociales Mention – histoire, histoire de l’art et archéologie / Spécialité – cultures de l’écrit et de l’image
Les femmes dans la bande dessinée
d’auteur depuis les années 1970.
Itinéraires croisés : Claire Bretécher,
Chantal Montellier, Marjane Satrapi.
Florie BOY
Sous la direction de Sophie Chauveau
Maître de conférences en histoire – Université Lyon II Lumière
Extrait de ANNEXE 1 – Entretien avec Chantal Montellier
Cet entretien est le résultat d’une rencontre avec Chantal Montellier, à Paris, le 5 mars 2009. Il fut suivi d’un échange de mails entre mars et juin 2009 qui permirent d’enrichir le dialogue et d’apporter quelques corrections.
Florie Boy : Mon projet est d’essayer de mieux définir le concept de bande dessinée d’auteur, dont les limites semblent assez floues, et qui a été en partie théorisé par les éditeurs
indépendants dans les années 1990.
Chantal Montellier : Il me semble qu’il y a eu des tentatives de théorisation avant les années 1990… Les cahiers de la bande dessinée, Thierry Groensteen, Bruno Lecigne, Yves Lacroix, pour ne citer qu’eux, se sont, il me semble, penchés sur le sujet bien avant les éditeurs indépendants. Il faudrait vérifier. Par ailleurs, la bande dessinée d’auteur existait bien avant que
les éditeurs indépendants la théorise, puisque Métal Hurlant, Charlie Mensuel, Futuropolis, entre autres, publiaient de la bande dessinée d’auteur dès le début des années 1970.
FB : Ce qui m’intéresse, c’est justement de connaître un petit peu mieux votre parcours avec ces magazines particuliers, qui ont émergé dans les années 1970, et qui ont été un moment
essentiel dans l’histoire de la bande dessinée d’auteur. Je souhaiterais également vous poser plusieurs questions sur le statut d’une femme évoluant dans le milieu de la bande dessinée, sur votre lien avec l’association Artémisia, par exemple, et sur les choix que vous faites, d’un point
de vue graphique notamment, dans vos oeuvres.
Chantal Montellier : On peut commencer par Artémisia peut-être ?
L’association est née d’une envie de faire un travail collectif avec d’autres femmes, et de se donner les moyens d’une
certaine forme de reconnaissance au niveau des prix. On avait constaté que très souvent les jurys étaient composés en grande partie d’hommes, les femmes y étant peu ou pas représentées. Par ailleurs, la reconnaissance des oeuvres féminines était également très faible. Sur trente ans, je crois qu’il y a une seule femme qui a eu le grand prix du festival d’Angoulême, à savoir Florence Cestac, par ailleurs épouse d’Etienne Robial, éditeur de Futuropolis. Créer une structure comme Artémisia était se donner les moyens de tenter un peu de rééquilibrer les choses. Ce n’est pas facile, Artémisia existe depuis 2008, et le prix a été décerné à Johanna
Schipper, avec Nos âmes sauvages. Cette année le choix s’est porté sur Esthétique et filature de Tanxxx, et Lisa Mandel. Personnellement j’aurais préférer voir triompher les très beaux dessins
d’Estelle Meyrand dans Scrooge. Très vite on a eu la chance d’avoir le soutien d’un sponsor en la personne de Michel-Édouard Leclerc, qui a doté le prix à raison de 3000 euros, ce qui n’est pas négligeable, d’autant qu’il y a très peu de prix qui sont ainsi dotés. Pour 2009, le jury sera
différent et des hommes nous apporteront leur soutien, comme le théoricien de la bande dessinée, Thierry Groensteen, le dessinateur Miles Hyman, et l’écrivain et scénariste Yves Frémion. Après mûres réflexion nous avons pensé que la mixité était préférable à un jury exclusivement composé de femmes. Le débat n’en sera que plus animé. Cela permettra peut-être
d’échapper à certaines querelles très… féminines.
FB : Querelles relativement visible sur le blog d’Artémisia sur lequel on peut assister à un grand débat sur l’exposition qui a été organisée à Angoulême par Dupuy et Berberian autour du
concept de « La maison close ».
Chantal Montellier : La crise qui secoue Artémisia n’est pas liée à cela. Évidemment, « La maison close » comme concept, on peut en parler, on peut critiquer… Personnellement, je pense
que pour valoriser le travail des femmes il y a peut-être d’autres idées à mettre en oeuvre que celle-là.
FB : Le rôle d’ Artémisia peut cependant ainsi être d’offrir un espace de parole sur des sujets qui font débat.
Chantal Montellier : Absolument ! Ce fut le cas avec « la maison close ». J’espère que d’autres sujets de discussion viendront bientôt, moins scabreux.
Pour ce qui est de mon parcours personnel, sur lequel vous m’interrogiez, il est un peu du au hasard et à la nécessité. J’ai fait les Beaux-Arts dans les années 1960, mais la bande dessinée n’y était pas du tout considérée comme un art, seulement comme un artisanat, une distraction
pour les enfants, d’autant moins que la bande dessinée d’auteur, à cette époque-là, n’existait pratiquement pas. Mon intérêt pour le 9e art est venu plus tard, alors que j’avais quitté l’enseignement au profit du dessin de presse. C’est par le dessin de presse que je suis arrivée à la bande dessinée, d’abord dans Ah !Nana, journal de BD féminines, ensuite dans Métal Hurlant.
FB : Le choix de la bande dessinée comme support d’expression reste t-il du aux hasards de votre carrière et des opportunités qui l’ont jalonnée, ou permet-il de dire ou de montrer des évènements d’une manière différente (d’un roman par exemple) et plus efficace ?
Chantal Montellier : Si Anne Delobel, coloriste de Jacques Tardi et secrétaire d’Ah Nana, n’était pas venue me chercher je ne serais jamais devenue auteur de bande dessinée. Ce médium
permet une double expression par l’image et le texte ce qui, bien employé, peut avoir un grand impact sur les imaginaires, qu’ils soient pré ou post pubères, voire adulte. L’image a une force que les mots n’ont pas, on en saisit le sens en un seul coup d’oeil… Elle parle à l’inconscient plus directement qu’un texte. De ce fait elle peut être dangereuse et est très contrôlée. La bande
dessinée est aujourd’hui à la fois sous contrôle et surexploitée. Elle aurait pu être un outil de libération, d’expression, d’éducation visuelle au service d’une émancipation populaire, mais elle
a été reprise par le « Marché » et son idéologie. Enfin, je schématise un peu, la situation est un peu plus complexe… Sinon, j’ai publié plusieurs recueils de nouvelles illustrées et un roman, mais j’ai pu constater que l’impact de mes bandes dessinées est beaucoup plus fort.
FB : Pouvez-vous évoquer les rencontres, dans le milieu de la bande dessinée ou autre, qui ont eu une influence sur votre carrière d’auteur de bandes dessinées, ainsi que les oeuvres artistiques
(bande dessinée, littérature, peinture, …) qui ont eu un effet similaire ?
Chantal Montellier : J’ai surtout fait des rencontres graphiques au début de ma « carrière », qui m’ont aidée à aimer la bande dessinée, comme par exemple Nicole Claveloux, Guido Crepax, Buzzelli, José Munoz, Pratt, Mattotti, plus tard Miles Hyman,… Ce sont tous de très
grands dessinateurs à mon humble avis, avec un langage graphique personnel, une esthétique, un riche vocabulaire de formes, une liberté, une autonomie… Bref, de vrais artistes à des milliers de kilomètres des stéréotypes de l’école Belge ou de Mickey. Les oeuvres de tous ces créateurs (Valentina, Sophie, Alack Sinner, La révolte des ratés, Zil Zélub…) m’ont beaucoup
stimulée. En littérature je suis une infidèle, et mes « amours » changent souvent. Là, je viens de découvrir Chloé Delaume, dont la personnalité et les récits m’impressionnent. Et, parallèlement, je suis en train de re-relire Si c’est un homme de Primo Lévi, avec la même émotion extrême. Le témoignage est bien sûr l’essentiel, mais l’écriture, d’une sobriété et d’une efficacité rares, est
aussi admirable, me semble t-il. La lecture de ce récit devrait être rendue obligatoire au lycée. Si ce livre était oublié ce serait tragique. Côté peinture, j’ai été influencée à certaines époques par des artistes comme Francis Bacon et par des mouvements comme celui de la Nouvelle Figuration. Il y a aussi des oeuvres féminines qui m’ont impressionnée, celles, entre autres, de Dorothéa Tanning, compagne de Max Ernst, de Frida Khalo, et bien sûr de la « suicidée de la société » : Camille Claudel, dont je retiens cette
phrase en particulier : « Incapables de rien faire par eux mêmes, ils ne voient que le mal ». J’ai, pour ma part, au cours de ma déjà longue « carrière » , pu constater que l’on s’intéressait souvent plus à mes histoires personnelles qu’aux dimensions artistiques et esthétiques de mon travail. Idem pour le film de Bruno Nuyten sur Camille Claudel, il se concentre bien plus sur l’histoire pathétique et sulfureuse du couple Claudel-Rodin, que sur le travail de la sculptrice et sa place dans la société de l’époque, qui n’est absolument pas mise en question. Bref, rien ne change !
FB : Pouvez-vous nous parler plus précisément de votre collaboration à des magazines tels que Métal Hurlant ou A Suivre ? Quelle liberté de création vous ont offert ces revues, et quels publics vous ont-elles permis de conquérir ?
Chantal Montellier : Métal Hurlant était un chaudron en ébullition ou tout ou presque était permis. Contrôle et censure avoisinaient le zéro absolu. Ce fut un moment très excitant où l’imaginaire et le talent de chacun pouvaient se déployer en toute liberté. Hélas, la gestion était
trop fantaisiste pour que la revue et la maison d’édition fassent de vieux os. C’est dommage, les auteurs ne retrouveront pas une telle liberté avant longtemps, je crois.
A Suivre était sous la férule de Jean-Paul Mougin qui n’avait pas du tout la même passion pour le genre qu’un Jean-Pierre Dionnet, beaucoup plus investi et sincère. Le fonctionnement d’ A Suivre était plus « bureaucratique ». Son responsable venait de la télévision où il assistait Adam Saulnier, premier journaliste d’art sur le petit écran. Ils avaient perdu leur place après les évènements de 1968… Mais ceci est une autre histoire (je crois que Jean-Paul Mougin ne s’est jamais consolé d’avoir perdu cette place privilégiée pour accéder au monde de l’Art avec un grand A). Ma liberté chez Casterman était beaucoup plus réduite que dans Métal Hurlant et l’ambiance, à mes yeux, moins bonne. Je ne me sentais pas valorisée, au contraire.
FB : La collaboration avec ces magazines relève t-elle d’un goût personnel pour leurs lignes éditoriales, ou est-elle une réponse aux opportunités qui se sont présentées à vous ?
Chantal Montellier : Dessiner pour une revue de bande dessinée féminine comme Ah ! Nana était plus qu’une opportunité, c’était aussi un peu un enjeu et une petite bataille. L’imaginaire féminin dans ce domaine de l’édition était alors pratiquement inexistant. Par ailleurs, le fait d’y retrouver quelqu’un comme Nicole Claveloux était à mes yeux très stimulant car c’est une immense dessinatrice, hélas méconnue. Par ailleurs, Nicole sort comme moi des Beaux-Arts de Saint-Étienne (j’ai eu sa mère comme professeur d’étude documentaire), cela nous a rapprochées un moment… Malheureusement, la revue a été rapidement frappée d’interdiction
par la censure et interdite d’affichage dans les kiosques pour d’obscures raisons, alors que L’Echo des Savanes et les bandes dessinées pornos de Manara s’épanouissaient en toute tranquillité dans les mêmes kiosques. « Cachez ces images que l’Etat-policier et la société
patriarcale ne sauraient voir sans être aveuglés ! » A partir du moment ou je me suis professionnalisée il m’a fallu produire suffisamment pour assurer ma subsistance. J’ai donc du saisir les opportunités qui se sont présentées, parfois indépendamment des lignes éditoriales. J’ai même du ramer contre, chez Dargaud éditeur par exemple, dont l’état d’esprit et la politique d’édition n’allaient pas vraiment dans mon sens ! J’ai
tout de même pu y produire quelques albums, comme les deux derniers tommes de la série Julie Bristol et un recueil de nouvelles Voyages au bout de la crise, qui est ce que j’ai fait de meilleur dans le genre. Tout ça est un peu paradoxal.
FB : Est-ce que les magazines cités ont joué un rôle déterminant dans l’émergence d’une bande dessinée nouvelle, très engagée et très politique, qui se rattache à la bande dessinée d’auteur par l’affirmation d’une certaine créativité ?
Chantal Montellier : Je n’ai vu de bandes dessinées très engagées ou très politiques, ni dans Métal Hurlant, ni dansA Suivre. Je crois avoir été et être encore un peu une exception.
FB : Jean-Pierre Dionnet, dans la préface d’une réédition chez Vertige Graphic de trois de vos fictions parues d’abord dans Métal Hurlant, dit que vous y avez apporté quelque chose de complètement différent.
Chantal Montellier : Ce qui n’était pas sans poser quelques problèmes ! Et c’est toujours le cas aujourd’hui. Je m’aperçois, lorsque je vais fouiner dans les rayons BD des librairies, à quel point ma production détonne. Cela a plusieurs explications, dont la principale réside dans ma culture et ma sensibilité politiques. Ma culture de l’image aussi, sans doute…? Mon histoire
personnelle et sociale également. Mon histoire avec la bande dessinée n’est pas vraiment une histoire d’amour, elle est plutôt le fait du hasard et d’un … « combat ».
FB : Certaines maisons d’édition vous paraissent-elles plus intéressantes (plus proches de vos ambitions) de par leurs choix éditoriaux ?
Chantal Montellier : Je me sens plutôt bien et en accord – relatif – chez Actes Sud et Denoël Graphic, mes éditeurs actuels. Michel Parfenov (A.S.) et Jean-Luc Fromental (D.G.) sont des sortes d’amis… Jean-Luc était l’un des permanents de Métal Hurlant, ça crée des liens. Michel
et moi avons même quelques goûts et une certaine culture de l’image en commun, de Guido Crépax à Clovis Trouille, en passant par les surréalistes. Thomas Gabison (A.S.) représente la nouvelle génération, mais c’est quelqu’un dont je me sens tout de même assez proche. Ceci dit, je ne me sentais pas trop mal non plus dans des revues comme Révolution, dont j’appréciais les combats culturels et l’esthétique, ou aujourd’hui la revue culturelle Cassandre à laquelle je
viens de donner deux pages de dessins pour leur prochain numéro consacré à “l’appel des appels”.
FB : Les difficultés qui s’imposent à un auteur de bande dessinée l’autorisent-elles à choisir la maison d’édition la plus susceptible de comprendre et de valoriser l’oeuvre éditée ?
Chantal Montellier : Ce sont plutôt les éditeurs qui ont le pouvoir de choisir les auteurs et non le contraire. L’auteur propose, l’éditeur dispose, neuf fois sur dix. Bien sûr il y a des éditeurs
chez qui je ne mettrais jamais les pieds (à moins d’y être contrainte par la nécessité). Quant à la valorisation de l’oeuvre…! Il faut savoir que beaucoup de choses dépendent, une fois le livre publié, des attachés de presse et de leurs sympathies ou antipathies pour l’auteur à défendre, et
aussi des caprices du « Marché » et des médias… À ce niveau, les dés sont un peu pipés et on ne peut pas dire que la démocratie de la culture fonctionne au mieux !
FB : Avez-vous eu la tentation, comme Claire Bretécher, de créer votre propre maison d’édition, seule ou en collaboration avec d’autres auteurs ?
Chantal Montellier : Non, je n’en ai pas les moyens et les auteurs que je connais non plus. Je suis une sorte « d’oeuvrière » (comme dirait Bernard Lubat) de l’image narrative par rapport à une Bretécher qui jouit, elle, des faveurs d’un grand hebdo ayant beaucoup de moyens. Comme
en plus je me suis toujours solidarisée plutôt du monde du travail que du monde de l’argent, des people et des paillettes, ma réussite sociale et mes finances en ont très légèrement souffert.
FB : L’Association Artémisia ne pourrait-elle pas déboucher sur une telle ambition à long terme ?
Chantal Montellier : A très long terme, alors !
FB : Concernant la bande dessinée d’auteur, comment la définiriez-vous ? Pensez-vous qu’elle implique de la part des auteurs de nouvelles ambitions littéraires et graphiques ?
Chantal Montellier : Faire un vrai travail d’auteur c’est avoir envie de s’exprimer en « personne première », de parler de ce qui nous préoccupe, me préoccupe en tant que personne,
citoyenne, individu, artiste, plutôt que d’obéir à un certain nombre d’impératifs commerciaux, de me couler dans des modes, des modèles. Quant aux ambitions, elles sont celles qu’on peut avoir en fonction des moyens dont on dispose. L’ambition pour ma part est surtout d’ordre
esthétique. Et j’ai aussi pour ambition de faire des bandes dessinées aussi lisibles que possible. Mais mes ambitions littéraires dans ce domaine sont assez modeste. Un peu moins dans mes recueils de nouvelles illustrées… Dans la bande dessinée, l’image est la plupart du temps
inféodée au texte, ce qui limite un petit peu sa liberté, ses ambitions plastiques, graphiques, esthétiques. Les « nouvelles » ambitions littéraires et graphiques, je les ai plutôt expérimentés dans ceux de mes livres où texte et images échappaient aux codes de la bande dessinée (vignettes, strips, bulles…). Ceci étant, je crois me permettre quelques audaces aussi en bande dessinée (taille des images, parfois pleines pages, citations graphiques, etc.).
FB : Pensez-vous que la bande dessinée d’auteur puisse exprimer une forme de contestation contre les publications des grandes maisons d’édition, ou ce rôle est-il plutôt celui des maisons
d’édition alternatives ?
Chantal Montellier : La bande dessinée d’auteur peut s’avérer être un pied de nez, au minimum, à certaines politiques d’édition menées par des majors, et constituer une résistance à
certaines tendances lourdes (bandes dessinées commerciales, trop souvent complaisantes pour ne pas dire vulgaires et racoleuses, séries préfabriquées, mangas débilitants, hyper violence à
l’américaine, autobiographie et nombrilisme bobo-branchés, etc.). Les petites maisons indépendantes peuvent aussi être des lieux de « contestation » et d’expression plus originales libres et singulières… Ou au contraire suivre les tendances dominantes, suivre la « mode »… Il n’y a pas d’opposition à faire.
En temps qu’auteur indépendant je me sens tout de même plus libre de produire ce qui me plait chez un éditeur généraliste comme Actes Sud ou Denoël que dans une grosse structure comme Dargaud (Ampère) ou Casterman (Rizzoli) qui ont, il me semble, un rapport plus strictement
commercial à la bande dessinée.
FB : J’ai eu l’impression, dans vos dernières bandes dessinées, telles que Tchernobyl mon amourou Les Damnés de Nanterre, que la place de vos engagements se radicalisait, et que cela
apparaissait dans une attention accrue portée à l’événement abordé en lui-même, et au message que vous voulez peut-être transmettre. C’est un sentiment que j’ai eu notamment en suivant les aventures du personnage Chris Winckler…
Chantal Montellier : Chris Winckler est un personnage qui est né dans les années 2004-2005, d’une commande de Jean-Luc Fromental ( Denoël Graphic), concernant l’affaire Rey-Maupin. C’est une bande dessinée qui repose sur une importante documentation journalistique. C’est un
peu la même démarche pour Tchernobyl mon amour publié par Actes Sud. Je n’ai pas le sentiment que dans ces deux albums « la place de mes engagements se radicalisait », au contraire… Odile et les crocodiles, Blues, Wonder City me semblent plutôt plus « radicaux » et
plus durs que ces deux dernières productions. Mais je suis la plus mal placée pour juger.
FB : J’avais surtout l’impression que dans Tchernobyl mon amour par exemple, l’intrigue devenait à certains moments plus anecdotique pour mettre en avant cette ample documentation
sur laquelle vous vous appuyez.
Chantal Montellier : Oui ! En fait l’intrigue et la dimension fictionnelle doivent se mettre au service d’une information considérable. Elles doivent la faire vivre, la faire revivre, l’actualiser.
Dans cet album je me suis mise au service d’une information, mais c’était déjà le cas dans certains de mes albums des années 1970, comme Andy Gang où je partais de faits divers, et même dans les Julie Bristol, puisque le premier était consacré à Camille Claudel : la fiction servait aussi l’histoire, enfin l’histoire au sens historique, pour essayer de comprendre un peu plus, d’éclairer un peu mieux certaines choses restées dans l’ombre, et pour ma propre
édification personnelle. C’est une façon aussi pour moi de visiter ou de revisiter les moments de l’histoire, petite ou grande, qui m’intéressent, m’intriguent, me questionnent. Me hantent parfois.
FB : On trouve une certaine ressemblance entre les personnages de Julie Bristol, de Chris Winckler, ou même d’Odile. N’auriez-vous pas en tête un type de femme susceptible de renouveler l’image de la femme parmi les héroïnes de bande dessinée, qui ont été longtemps
stéréotypées et reléguées dans un univers un peu inférieur ? Vous créez au contraire un personnage qui contourne les stéréotypes, qui est très indépendant et très affirmé, jusqu’à créer peut-être, un autre type d’héroïne.
Chantal Montellier : J’essaie de fabriquer un personnage avec lequel je puisse vivre agréablement le temps d’un album, ou de plusieurs. Des personnages de jeunes femmes d’aujourd’hui, ni trop jolies ni trop laides. Suffisamment actives et se servant à la fois de leur jambes et de leurs têtes. Elles ont un petit côté androgyne, leur féminité est discrète… Je n’étale pas leurs attributs, au risque de perdre des lecteurs… Ce sont généralement des trentenaires, un peu intellos, un peu artistes, un peu de gauche, un peu féministes, et très déterminées. Elles aiment le risque et n’ont pas peur du feu. Pas assez. Ceci étant, je ne les construis pas de cette manière avec la volonté délibérée de « contourner les stéréotypes », mais parce qu’elle me plaisent ainsi. Si je crée un nouveau type d’héroïnes que les habituelles accompagnatrices de héros, ou les blondes à gros nichons et cervelle d’huître, tant mieux.
FB : Quelles sont vos sources de documentation pour des albums tels que Tchernobyl mon amour ?
Chantal Montellier : Multiples ! D’abord le livre énorme et très complet de Vladimir
Tcherkoff, Le crime de Tchernobyl, et aussi celui, bouleversant et terrifiant de Svetlana Alexievitch, La supplication. Ensuite, Internet, où l’on trouve énormément de choses sur le sujet.
FB : Recherchez-vous une réaction particulière chez votre lecteur ? (révolte, engagement…).
Chantal Montellier : Je cherche surtout à l’intéresser suffisamment pour qu’il ne referme pas l’album avant de l’avoir fini, et à ce qu’il en ressorte un peu plus conscient, plus informé et plus armé. « Voir c’est savoir » parait-il, je pense que la BD peut y aider. À ce sujet, je vous conseille la lecture du livre passionnant de Georges Didi-Huberman, Quand les images prennent position, aux éditions de Minuit. Voici quelques lignes de la quatrième de couverture : « Dans un monde où les images prolifèrent en tous sens et où leurs valeurs d’usage nous laissent si souvent désorientés, entre la propagande vulgaire et l’ésotérisme le plus inapprochable, entre une fonction d’écran et la possibilité de déchirer cet écran, il semble nécessaire de revisiter certaines pratiques où l’acte d’image a véritablement pu rimer avec l’activité critique et le travail de la pensée. On voudrait s’interroger, en somme, sur les conditions d’une possible politique de l’imagination. »
FB : Le support en lui-même apporte t-il une nouvelle légitimité à l’auteur ? Le fait de passer d’une publication dans un magazine à la publication d’un album permet-il de s’affirmer en tant qu’auteur ?
Chantal Montellier : La durée de vie n’est pas la même (ceci étant dit, la disparition des supports presse pour la BD est une perte de visibilité et un manque à gagner assez considérable). Ma signature était davantage présente et visible quand je publiais régulièrement dans la presse. La durée de vie d’un album en librairie est terriblement courte ! Mais le statut d’auteur est tout de même plus porté par le livre que par la publication dans un journal, ça me semble évident.
FB : Votre statut de femme a t-il rendu plus difficile l’entrée dans le monde de la bande dessinée dans les années 1970, quand vous avez commencé, ou cela a t-il offert au contraire une ouverture plus grande ?
Chantal Montellier : Être une femme dans ce milieu, qui était jusqu’à peu très masculin, n’était pas quelque chose de simple, mais j’ai démarré dans la bande dessinée par le biais d’un journal de femmes “Ah ! Nana”, ce qui m’a un petit peu aidé. À partir du moment où Ah ! Nana a disparu, je me suis retrouvée dans une presse et un système éditorial qui étaient complètement masculins. Des problèmes ont commencé à surgir… Le machisme, le sexisme n’étaient pas
absents ! De plus, j’étais très décalée du fait du contenu de mon travail, et de ma personnalité. Je ne dirais pas que je n’étais pas à ma place, parce qu’il n’y a pas de raison que des gens comme moi ne puissent pas faire aussi de la création bande dessinée, mais, oui, j’étais très très décalée et je le suis toujours. Il faut dire que pour moi, la BD était une arme politique surtout. Le moyen d’exprimer une colère, une souffrance.
FB : Et est-ce que la bande dessinée d’auteur ne permet pas justement, à des personnalités un petit peu « marginales » de s’affirmer de manière plus évidente, ou en tous cas d’obtenir la reconnaissance d’un public différent ?
Chantal Montellier : Si. Je crois que mon public n’est pas le public lambda de la BD commerciale. Comme auteur, je suis « née » en 1968, mon public aussi. Nous sommes en 2009 et entre temps il s’est passé beaucoup de choses… pas mal d’échecs, de déceptions, de trahisons
ont entraîné une certaine forme de dépolitisation. Quand j’ai commencé, la politisation était forte, y compris chez les jeunes. Aujourd’hui, 80% ne se sont pas déplacés pour aller voter aux dernières élections pour les européennes. La vie démocratique est à terre et j’ai peur que ceux qui la ramassent ne soient pas, au final, des gens très sympathiques.
FB : Le personnage d’Angela Parker, dans Wonder City, était représenté chauve dans l’édition des Humanoïdes Associés, alors qu’il a des cheveux dans la réédition de Vertige Graphic. Est-ce un choix de votre part ou une demande de l’éditeur ? Qu’est-ce qui a déterminé ce changement ?
Chantal Montellier : Le personnage d’Angela Parker m’a été inspiré (crane rasé compris) par celui de THX 1138, un film culte des années 1970, signé George Lucas : au 25e siècle, il est interdit de ressentir. Sous l’oeil de robots policiers, les humains, drogués, travaillent à la chaîne, construisant leurs propres gardiens ! Sous l’impulsion de sa compagne LUH 3417, THX 1138 cesse de prendre ses pilules et découvre un monde de sensations, puis accepte de fuir avec elle… Je me suis rendue compte après coup que la femme chauve entretenait tout un réseau de
fantasmes masculins plus ou moins agréables… Donc, j’ai corrigé.
FB : Entre l’édition des Humanoïdes Associés et celle de Vertige Graphic, la palette des couleurs a également été simplifiée, est-ce aussi une décision de votre part, à quel effet ?
Chantal Montellier : Non, j’ai du faire là une concession à la maison d’édition.
FB : Peut-on voir dans certains de vos personnages une proximité autobiographique avec vous, et votre personnalité ?
Chantal Montellier : Certains, oui… Plus ou moins. On m’a par exemple identifiée à Odile et les crocodiles et j’ai parfois du expliquer que je n’avais pas subi de viol dans un parking, (je n’ai ni permis ni voiture), ni ailleurs. Que je ne squattais pas un immeuble à l’abandon, et que
je ne chassais pas les crocodiles après minuit, mais dormais (je suis une couche tôt). Il est vrai que comme j’ai tendance a beaucoup m’investir dans mes personnages de papier, ont peut prendre la fiction pour la réalité. C’est à cette occasion que j’ai compris que la création bande
dessinée présentait quelques risques d’autant plus sérieux que le lectorat n’est pas toujours d’une très grande maturité intellectuelle, car encore très jeune. Je me sens, heureusement pour moi, plus proche de Julie Bristol et de Chris Winckler que d’Odile… Plus proche d’elles que du
personnage des Rêves du fou. Prêter sa voix aux victimes de la société et de l’histoire, aux vaincus, c’est aussi se mettre en danger tant il est vrai que comme disait mon analyste : « dire l’horreur c’est risquer de devenir cette horreur aux yeux des autres », a fortiori quand on la
représente avec trop d’exactitude.
FB : Dans quelle mesure, par exemple, la description du monde du journalisme, à travers le personnage de Chris Winckler, reflète-t-elle vos propres expériences professionnelles ?
Chantal Montellier : J’ai fait du dessin de presse pendant presque trente ans, avec des hauts et des bas… L’actualité m’intéresse et je vis avec un homme, qui entre autres activités, est journaliste.
FB : Comprenez-vous en un sens le rapprochement que nous faisons dans ce travail entre votre oeuvre et celles de Claire Bretécher et de Marjane Satrapi ?
Chantal Montellier : Je comprends que vous choisissiez trois auteurs femmes dont la production n’est pas passée inaperçue. Mais les personnalités de ces trois femmes sont à des années lumière de distance. Ce qui pour une « étude comparative » peut présenter un véritable intérêt. Surtout si l’on prend en considération certains aspects sociaux et politiques… Pour ce
qui est du phénomène Satrapi, je suis assez perplexe et m’interroge un peu sur l’authenticité de la démarche et sur le rôle tenu par David B. dans la création graphique…
FB : De Claire Bretécher à Marjane Satrapi, pensez-vous que la situation des femmes auteurs de bande dessinée ait beaucoup évolué ?
Chantal Montellier : Oui et non. Davantage de femmes sont publiées, mais dans quelles conditions et avec quel projet éditorial derrière ? Ont-elles la possibilité de faire « carrière » ou juste un « one shot » en surfant sur les modes du moment ? Sont-elles prises au sérieux comme
artistes par leurs éditeurs ou seulement exploitées le temps d’un album ou deux, coïncidant avec ce qui est dans l’air, et avec les jeux mimétiques des post adolescents ? « Trois petits tours et
puis s’en vont ! A la suivante ! » Le Molloch de l’édition a un très gros appétit et le menu fretin abonde. Cette année chaque membre d’Artémisia a reçu une vingtaine d’albums, plus ceux que chacune s’est procurée de son côté. Il me semble qu’il y a une sorte d’effondrement au niveau de la
maîtrise de la « science » du dessin, de ses exigences et aussi de la culture de l’image, narrative ou non. Beaucoup de ces dessins sont au premier degré et d’une grande maladresse, pas forcément volontaire. Actuellement, les Séraphine de Senlis sont à l’évidence bien plus nombreuses dans le 9e art que les Nicole Claveloux, Johanna Schipper, Estelle Meyrand, voire Mathilde Arnaud (alias Tanxxx), qui ont toutes une certaine maîtrise de leur art. Alors, après
l’art brut, la bd primitive ? Ceci étant je déteste l’académisme et j’aime bien des dessinateurs comme Chester Gould, Got,
George Herriman, Sempé ou Reiser, mais leurs dessins à tous étaient très élaborés, travaillés.
FB : Pensez-vous que les auteurs féminins sont plus susceptibles de s’intéresser à la bande dessinée d’auteur de par les thèmes plus intimistes ou engagés, les univers plus personnels qui
sont susceptibles de s’y développer ? Ou la catégorie des auteurs féminins reflète-t-elle plus ou moins les mêmes goûts, les mêmes ambitions que ceux des auteurs masculins de bande dessinée, pour l’héroic-fantasy par exemple ?
Chantal Montellier : J’avoue avoir été légèrement déçue par ce que j’ai pu voir pendant ces deux années d’existence du prix Artémisia, par la bande dessinée féminine. Même s’il y a eu quelques belles découvertes et heureuses surprises, comme Estelle Meyrand (Scrooge chez
Delcourt). Outre que la transmission d’une génération de dessinatrices à l’autre ne se fait guère, à l’exception d’Anne Rouquette citant graphiquement Claveloux dans son dernier album, le côté nombriliste qui prédomine constitue un repli sur le premier cercle, la famille, l’organique, le giron naturel. Le rapport mère-fille, souvent représenté, n’est que rarement mis en perspective dans la scène plus large de la société et de ses moeurs, rapports de force et de domination. La politique, elle, s’absente quasi totalement. Donc, en gros, plus de femmes s’expriment et sont publiées, mais pour mieux revenir à ce qui
est depuis toujours considéré comme leur territoire assigné : la maison, l’intime. En cela, la bande dessinée féminine actuelle participe, volontairement ou pas, à un retour à « l’ordre », et pas que symbolique. Ce que j’entends au delà de toutes ces paroles et images féminines et des
phylactères qui les enserrent, c’est la voix du patriarcat et des ses normes qui nous dit : « Occupez-vous donc de vos fesses ! ».
FB : La difficulté des femmes à s’imposer dans l’univers très masculin de la bande dessinée relève t-elle selon vous des thèmes atypiques qu’elles souhaitent aborder, ou d’une discrimination sociale et culturelle telle qu’on la retrouve plus généralement dans la société française ?
Chantal Montellier : Leurs thèmes ne sont pas nécessairement « atypiques », le rapport mèrefille par exemple, tellement présent dans leurs livraisons de 2007-2009, n’est pas une incongruité, un exotisme, ou une question marginale. Je crois plutôt que c’est l’imaginaire et les
représentations qui s’y déploient qui peuvent rebuter certains lecteurs masculins ? Il y a aussi une question de force, de puissance et d’impact de l’expression, des images. Les femmes me
semblent, hélas, encore bien timides et maladroites à ce niveau mais c’est en forgent que l’on devient forgeron ! Pour ce qui est de la discrimination sociale et culturelle, je crois qu’elle est à l’oeuvre d’autant plus efficacement qu’elle avance de manière souvent souterraine et
inconsciente. Les dessinatrices intériorisent cette domination et la symbolisent à leur manière, parfois en reprenant à leur compte des constantes de l’imaginaire masculin le plus machiste (cf.
les personnages féminins d’une Annie Goetzinger , très inspirés par le phallocrate Georges Pichard, par exemple). Les femmes sont rarement valorisées dans ces représentations et cela d’autant plus que la bande dessinée relève encore d’un artisanat populaire. La femme y est
encore bien davantage que dans les milieux « favorisés » le prolétaire de l’homme, quand elle ne tombe pas sous les coups d’un conjoint violent comme les statistiques d’un rapport récent
d’Amnesty International nous en informent. Une femme tous les trois jours meurent sous les coups de son compagnon, ce qui est tout de même un peu effrayant. Les mass médias n’ y font guère d’échos. Silence, on tue ! Quand aux séries policières télévisuelles (Nestor Burma,
Boulevard du Palais, etc…), les femmes en sont à peu près systématiquement les victimes : c’est toujours elles qu’on assassine, généralement de façon sadique et en les ayant violées avant ou
après leur mort. Elles sont données en pâture aux téléspectateurs et nombre d’entre eux s’en délectent. Une façon de gérer les instincts sadiques et criminels de nos contemporains aux détriments des contemporaines ? (Le succès phénoménal de Millénium repose sur les mêmes
ingrédients). On trouve peu d’écho à ces graves questions dans la production de bandes dessinées féminines, quant aux dessinatrices et scénaristes femmes elles sont plus volontiers conviées à se produire dans des « maisons closes » de papier lors du festival d’Angoulême, qu’à s’exprimer collectivement sur ce sujet brûlant et fort dérangeant.
FB : La naissance de la bande dessinée d’auteur et l’apparition de femmes auteurs de bandes dessinées ont-elles joué selon vous un rôle important dans la lutte féministe engagée depuis la
fin des années 1960, en France notamment ?
Chantal Montellier : Non, je pense que la majorité des féministes sont passées à côté et n’ont pas compris les enjeux à ce niveau. Les imaginaires se cuisinent dans la grande marmite de la bande dessinée dont les ventes sont spectaculaires, et il en sort surtout la reproduction des mêmes fantasmes masculins du moment, cela sans que les féministes en soient conscientes.
Enfin, il me semble. Les mêmes qui manifestent et se battent bec et ongles pour la « cause des femmes » offrent à leurs enfants des bandes dessinées d’un machisme et d’un sexisme effarants
sans même s’en rendre compte, sans en avoir conscience. Il y a une sorte d’ « euphémisation » à ce niveau. C’est de la bande dessinée donc c’est inoffensif et rigolo. C’est pour de rire !
FB : Souhaitez-vous évoquer quelques uns de vos engagements ?
Chantal Montellier : Pas vraiment. Juste une chose à titre d’information : j’ai travaillé entre 1975 et 1995 pour une presse dite engagée, j’avais le choix entre 5 ou 6 supports, mais hélas, les journaux qui me publiaient sont morts ou ont été vendus à des banquiers et des marchands de canons. Côté presse, il ne me reste pas un millimètre carré, récemment seulement : Cassandre.