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Chantal Montellier

Suite aux critiques émises voici quelques mois par Chantal Montellier sur son site, le directeur général de la Cité Internationale de la Bande dessinée et de l’Image, Gilles Ciment, répond la lettre qui suit :

Chère Chantal Montellier,

La désagréable impression qu’ont pu vous donner les portraits exposés sur les murs de La Table à dessin, la brasserie panoramique de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, vous a fait réagir avec la véhémence que l’on vous connaît (votre post du 30 mai 2010). Cependant, dans votre hâte et sans informations plus précises qu’une conversation avec un serveur, vous avez formulé de lourds reproches qui me paraissent particulièrement injustes à l’égard de l’institution que je dirige depuis trois ans.

Ainsi, s’agissant des portraits d’auteurs exposés dans notre restaurant, il me faut dissiper deux malentendus.

1. Nous devons faire avec les clichés dont nous disposons. Constatant que les auteurs de bande dessinée sont peu photographiés et leur visage peu connu du public, déplorant que les archives du musée de la bande dessinée, et de la Cité en général, sont pauvres en portraits d’auteurs (et le Festival est dans la même situation du son côté), j’ai confié à Nicolas Guérin, photographe réputé dans le monde du cinéma pour ses portraits de réalisateurs et de comédiens, le soin de constituer une galerie de portraits. Il a réalisé trois grandes séries, à l’occasion des trois derniers festivals d’Angoulême et de l’inauguration du musée de la bande dessinée en juin 2009. Au cours de la première série, il a réalisé 89 portraits, dont 8 femmes seulement (ce qui reflète hélas la part des femmes dans la profession). A raison d’une femme (Posy Simmonds) pour 15 hommes, la sélection que vous avez vue aux murs est donc le reflet presque arithmétique (mais involontaire) de la très faible féminisation de la profession (de l’ordre de 10%), qui est encore bien loin de la parité – même si fort heureusement il y a depuis quelques années une très nette progression du nombre d’auteures. Fort heureusement, les séries suivantes ont apporté une meilleure représentation féminine, qui se retrouvera dans les sélections exposées ultérieurement.

2. En effet, cette exposition n’est pas « permanente », contrairement à ce qui semble vous avoir été dit. Les portraits sont appelés à être renouvelés régulièrement : ainsi, quelques jours après votre visite, 16 nouveaux portraits se sont substitués aux 16 que vous avez vus exposés. Parmi eux figuraient ceux de Florence Cestac, Aude Samama et Marjane Satrapi, portant à 20% la proportion de femmes. C’était encore insuffisant, j’en conviens. Aussi, la « rotation » suivante <http://www.citebd.org/spip.php?arti…> , installée en janvier dernier pour le 38ème Festival d’Angoulême, met à l’honneur Anne Baraou, Karlien De Villiers, Isabelle Dethan, Nathalie Ferlut, Melinda Gebbie, Laureline Matiussi (lauréate du Prix Artémisia), Marianne Maury-Kaufmann, Catherine Meurisse, Yoonsun Park, Amruta Patil, Natacha Sicaud, Anne Simon…

D’autres informations devraient vous convaincre que dans toutes ses activités, la Cité apporte un démenti à votre mauvaise impression :

La programmation de la Cité elle-même n’a rien du sexisme que vous voulez dénoncer. Ainsi, lorsque vous étiez de passage dans nos murs, vous pouviez voir annoncées pour le mois de juin trois rencontres avec des auteurs : Keiichi Koike, Katherine Ferrier et Lucie Lomova. Deux femmes sur trois. La programmation de notre cinéma, au cours de ce même mois, proposait des films d’Elizabeth Chai Vasarhelyi, Claudine Bories, Sophie Barthes et Coline Serreau, soit 4 réalisatrices sur 16 films projetés.

Un autre exemple parlant est l’invitation que nous avons faite à des auteurs du monde entier de « réinterpréter » des planches issues des collections du musée de la bande dessinée pour l’ambitieuse exposition « Cent pour cent », présentée à Angoulême pendant le festival 2010 et reprise à Bilbao (Alhondiga), Istanbul (Institu français), Paris (bibliothèque Forney) et actuellement à Cuenca (Fondation Atonio Pérez). Sur 110 auteurs ayant répondu à notre invitation, 22 sont des femmes : Jessica Abel, Florence Cestac, Danny Steve, Park Yoon-Sun, Leila Marzocchi, Seomoon Da-mi, Maja Veselinovic, Peggy Adam, Dunja Jankovic, Nadja, Francesca Ghermandi, Laura, Posy Simmonds, Aude Samama, Ana Miralles, Takahama Kan, N’Guyen Thi Mai Hoa, Gabriella Giandelli, Park So-rim, Kim Eun-sung, Zhu Letao, Amruta Patil. Vous conviendrez avec moi que c’est une assez équitable proportion et que, loin de nous contenter des auteures les plus connues et médiatisées, nous avons su révéler des talents féminins encore méconnus ou inconnus, et de toutes origines.

Ayant été président de l’association maison des auteurs avant de prendre la direction de la Cité à sa création, je me permettrai encore d’ajouter que, parmi les auteurs accueillis en résidence au cœur de la Cité, figurent un grand nombre d’auteures, parmi lesquelles quelques belles révélations : Algésiras, Peggy Adam, Marine Blandin, Juliette Boulard, Marie Caillou, Juhyun Choi, Sophie Darcq, Sarah Debove, Vallie Desnouël, Marie-Laure Dougnac, Elodie Durand, Marion Girerd, Mayumi Jezewski, Yana Lee, Lola Lorente, Lucie Lomova, Lola Lorente, Sylvie Marchand, Sandrine Martin, Eva Montanari, Marie de Monti, Ninie, Amruta Patil, Gabrielle Piquet, Valentina Principe, Aude Samama, Natacha Sicaud, Danny Steve, Clara-Tanit, Sandra Tebbe, Marion Tournay, Zviane sont les 31 femmes parmi les 86 résidents à être sortis de la maison des auteurs. Belle proportion, n’est-ce pas ?

A ces anciennes résidentes s’ajoutent les 13 femmes figurant parmi les 25 résidents actuels (plus de la moitié : encore plus belle proportion, n’est-ce pas ?) : Laure Clémansaud, Rachel Deville, Elsa Fanton d’Andon, Katherine Ferrier, Elena Forcato, Claire Fouquet, Céline Guichard, Jung-Hyoun Lee, Giovanna Lopalco, Lisa Lugrin, Yoon-Sun Park, Valentina Principe, Sandra Tebbe. C’est là un véritable soutien appuyé aux auteures, qui ont souvent plus de difficultés, comme vous le savez, à se frayer un chemin dans le monde si masculin de l’édition de bande dessinée.

J’ajoute que dans sa gouvernance même, la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, établissement public, s’enorgueillit d’une parité assez exemplaire : parmi les salariés, 50% exactement des cadres sont des femmes, stricte parité que l’on retrouve également aux postes de cadres dirigeants, puisque le comité de direction est composé de quatre directrices, trois directeurs et un directeur général. « Personne n’est parfait », disait Daphné à la fin de Certains l’aiment chaud : il reste donc à souhaiter, pour achever le tableau, que le prochain directeur général, après moi, soit une femme, et que celle-ci fera montre du même souci de respecter la parité qui m’anime.

Gilles Ciment

directeur général de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image