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Chantal Montellier

Oui, l’auteur de BD comme sujet pensant et subversif disparaît, bien sûr…

Les éléments de la contre-culture sont tôt ou tard assimilés par la culture (officielle) dont c’est là sa défense et sa survie.

Sa défense car elle est mise en danger.

Sa survie car autrement elle meurt de conservatisme et consanguinité.

Dans un premier temps, l’élément de contre-culture est récupéré par la culture qui, dans un deuxième temps le vide de sens.

Les boucles aux oreilles masculines nous viennent de la contre-culture gay. Les contestataires hétéros on tout d’abord récupéré les boucles (et se faisaient traiter de pédés), puis celles-ci ont fini par être portées par les derniers des beaufs. Exit le sens.

Les tatouages nous viennent de la contre-culture des prisonniers. A présent, le moindre BCBG arbore son tribal à la mode, choisi au dernier moment dans le catalogue standard du tatoueur du coin de la rue. Exit le sens.

Dans les années 70, la communauté des bodybuilders était une contre-culture, des fous passionnés, tels les plus radicaux des alpinistes, qui sculptaient leur corps hors de la mesure socialement acceptée, prise en compte du corps, liberté, transcendance. De nos jours, les salles sont remplies de rugbymen qui veulent ressembler à des chippendales, des monsieur et madame tout le monde qui veulent se muscler, "un peu mais pas trop", à l’image de toutes leurs stars people d’Hollywood calibrées, liftées et uniformisés (les bodybuilders purs et durs ayant été chassés des salles devenues des lieux aseptisés de rencontre et d’exhibition). Exit la sueur et le sens.

La BD fut un élément de contre-culture jusque dans le milieu des années 80. Récupérée d’abord puis vidée de sens, elle trône à présent dans les rayons bien propres de Cultura, des auteurs qui dessinent comme leur voisin et débitent des bons sentiments dans une soupe de bien-pensance light et digeste et dont on se demande qui peut bien les lire, dont on peut également se demander comment ils se distinguent eux-mêmes les uns des autres.

Les grandes maisons d’éditions ont même leur collection "Auteurs Indépendants", pour faire comme si (cela n’a aucun sens, seul l’éditeur peut être indépendant, l’auteur devrait l’être par définition !!!).

Je crois cependant que la BD n’a pas toute été récupérée et qu’elle demeure une contre-culture – tout du moins potentielle…

Bernard Dato