après la Charte des créatrices de bande dessinée contre le sexisme et la réaction de Thierry Groensteen
Je comprends parfaitement que les dessinatrices sollicitées pour l’expo en Belgique aient eu envie de dire “merde !” Je comprends leur sentiment, d’où mon nom parmi les leurs alors que l’on ne m’avait pas invitée et que je ne partageais pas tous leurs arguments, loin de là. Mais exposer des dessins de “filles pour les filles”, tssss ! et pourquoi pas leur construire un poulailler !? “La bédé des poulettes pour les poulettes”. Le Grand Gentil Marché ne recule devant aucun sacrifice (de l’identité des créatrices).
En réalité, le problème est complexe, les pièges nombreux et ils sont souvent énormes, (ce qui fait qu’on ne les voit pas toujours.)
Etre femme ET dessinatrice est une situation objective qui suppose de résister aux dominants de sexe et de classe qui cherchent à nous réduire à notre “corps sexué” et à en tirer profit au détriment de nos personnalités (parfois dérangeantes).
Mais en même temps, il faut aussi se battre à partir de lui et avec lui –ce corps sexué- et de ce qu’il doit affronter dans une société bourgeoise et patriarcale en pleine régression.
Il nous faut être femme, (ou changer de sexe ?), sans se renier en tant que telle, ET se battre pour ne pas être réduite à nos organes reproductifs.
Quand à Artémisia, comme le rappelle justement Thierry Groensteen, elle se bat CONTRE le sexisme et le machisme qui sévissent dans la bande dessinée de 7 à 77 ans, pour que soit mieux éclairées, mieux considérées, mieux valorisées les œuvres des femmes, soit un travail de “discrimination positive” (quel nom !). Je ne vois pas où est l’ambiguité là-dedans, pas plus que dans l’expression ”bande dessinée féminine”, ma chère Jeanne Puchol. Nous avons choisi toi et moi, en toute liberté, les mots et les phrases qui accompagnent désormais cette action, ne les renions pas sous les coups des adversaires, qui sont des deux sexes.
Ce n’est pas en nous déguisant en coq ou en nous faisant plus grosses et musclées que Popeye, que nous échapperons au poulailler.
Chantal Montellier