Merci cher Denis, de m’avoir fait passer ce texte. Un peu blessant pour moi, cependant. Cette façon, dès les premières lignes, d’insister sur les insultes dont je fus accablée et cela sans les critiquer, les remettre en cause, ne serait-ce qu’un peu, les relativiser, est très désagréable.
Pourtant, il me semble qu’il y a beaucoup de choses valorisantes me concernant si l’on cherche un peu (par exemple sur Internet). Pourquoi ne reprendre que ce qui abaisse, salie, humilie, stigmatise ?
Qui peut sérieusement apporter la preuve que je suis “licencieuse”, par exemple ? Et la liberté sexuelle ne vaut-elle que pour les seuls mâles ? Eux sont sexuellement émancipés et peuvent à peu près tout se permettre, “jouissons sans entrave !” ; les femmes, elles, sont des dépravées et des “trainées” dès qu’elles s’autorisent quelques libertés et se conduisent en homme sexuellement. L’hypocrite et castratrice morale bourgeoise à encore de beaux jours devant elle et les chèvres sont bien gardées. Malheur à celle qui sort du troupeau.
Il est vrai que les gens sales salissent et qu’il n’en manque pas dans la bédé comme ailleurs. Catel Muller (autre femme dessinatrice libre) pourrait elle aussi en parler longuement…
Et puis je ne suis ni la femme de, ni la fille de, alors, forcément… n’ayant la protection d’aucun parrain du milieu, cela suffit à faire de moi une cible facile.
Machiste et sexiste depuis toute éternité ce milieu ne pouvait que stigmatiser une femme comme moi. Je pense trop ? Je suis trop critique ? Y compris politiquement, il fallait me décapiter ! Je suis trop libre de mon corps, il fallait m’étiqueter “salope”… Briser le miroir dérangeant.
Une chose est sure, ne jamais remettre ces ignobles représentations, faites pour détruire, en question c’est se faire leur complice.
Comme disait Camille Claudel traitée elle aussi de “pute”, de “trainée”, de “folle furieuse” (jusqu’à ce que, contrairement à moi, elle bascule pour de bon dans la vraie parano) : “incapable de rien faire par eux mêmes, ils ne voient QUE le mal”.
De siècle en siècle c’est la même noire bêtise qui se répète et qui a pour fondement la peur du “continent noir” (freudien), la peur et aussi un cruel manque d’intelligence humaine, un cruel manque d’empathie, un cruel manque de respect , celui dû à tout être humain, fut-il de sexe féminin.
Mais, et l’art dans tout ça ? me direz-vous. Fait pour les chiens, j’imagine ?
Le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt.
La femme artiste montre l’image, l’idiot renifle son cul.
Ainsi va le monde pataugeant sans fin dans le caca patriarcal jusqu’à ce que mort s’en suive.
Bien à vous.
Chantal Montellier
(voir ici l’article publié dans l’Avis des Bulles)